Soutiens téléphoniques bénévoles COVID-19

  Cette période de confinement est vécue par nous tous comme inédite. Elle l’est.

Un sentiment d’impuissance ou une abondance de réactions contradictoires sont naturels mais un excès d’anxiété peut demander une aide ponctuelle.

La communauté des psys se mobilise et notre association de praticiens aussi.

L'Association de la Psychologie de la Motivation APM  et son Institut de formation IFPM seront sont présents auprès des personnes en souffrance psychologique en leur proposant un soutien bénévole sous forme d'une écoute téléphonique de 15 à 30 minutes.

En fonction de votre région ou votre département, vous pouvez contacter les psy suivants (psychologues, psychopraticiens, psychothérapeutes ou psychiatres).


Nathalie Cottin-Lenseigne
Psychopraticienne
http://www.nathaliecottin.fr
Département 92
Tél : 06 80 72 34 87

 

 

Daniel-Pierre Dumoulin
Psychopraticien
Région Rhône
Tél : 06 20 75 12 30

 

 

Odile Leclerc
Psychologue
Région Auvergne-Rhône-Alpes
Tél : 06 73 45 22 14

 

 

Christian ROBIN
Psychopraticien de la motivation
Département Paris 75
Tél : 06 09 56 19 69

 

 

Dr Pierre Canouï
75014 Paris
Tél : 01 43 35 24 19

 

 

Isabelle Canouï
Psychopraticienne
Département 92
Tél : 06 75 06 6635

 


Christian Merle
Psychopraticien
Région Bourgogne
Tél : 06 28 77 00 80

 


Erwan de Cambourg
Psychopraticien de la motivation
https://erwan-de-cambourg-psychotherapie.fr
29000 Quimper
Tél. 06 70 05 83 90

 

 

Jacques Fleuret
Psychopraticien
http://www.fleuretjacques.com
Département :92
Tél : 06 60 55 91 03

 

ECLAIRAGE
À la recherche de l'âme

« L’univers dont l’unité nous apparaît toujours,
même lorsque nous sommes tournés, dans la perception, vers le singulier »
Edmund Husserl

Où faut-il la chercher ?

Qu’est-ce que l’âme ? Pour les uns, la question relève d’une théologie périmée, autant vaut discuter sur le sexe des anges ! Pour d’autres, elle est l’objet d’un acte de  foi qui soutient que, quintessence de la personne, elle lui survivrait éternellement. Que l’on croie, comme le christianisme, à sa survie dans un au-delà, ou, comme l’hindouisme et le bouddhisme, à sa réincarnation dans des organismes terrestres, ou encore, comme le matérialisme, que l’on nie sa réalité, dans tous ces cas, l’âme est conçue comme immatérielle.
 Pour la pensée religieuse, l’âme se présente sous un double aspect, elle assume, pourrait-on dire, deux fonctions. L’une, métaphysique : venue d’un au-delà pour animer le corps, elle retourne à un au-delà. L’autre, morale : elle agit, non seulement comme énergie mystérieuse qui anime le corps, puis abandonne ce corps devenu cadavre, mais aussi comme une intentionnalité orientée vers le bien, mais susceptible de succomber au mal et dont le bilan, à l’heure de la mort, sera jugé et recevra sa juste rétribution.

Avant de poursuivre, il est bon de se souvenir que l’âme n’est ni un objet, ni une entité, ni une fonction mais un terme qui rend compte de l’animation. Qu’est-ce que l’animation ? Elle est ce qui fait que la vie est plus que la vie. Celle-ci, réduite à sa plus simple acception peut être définie comme une suite de réactions physico-chimiques par quoi elle assure sa continuité  entre la naissance et la mort, mais c’est l’animation  qui insuffle à la vie une ampleur et une intensité qui la font communicante et résonnante avec la réalité universelle. L’animation n’est pas un organe, ni même une fonction, et pourtant, dans la mesure où lui correspond un vécu, force est d’admettre, pour l’animation, des équivalents somatiques, en particulier au niveau cérébral. L’animation, en quelque sorte, double la vie et s’y superpose. Et si la dualité vie-animation paraît artificielle, songeons qu’un sujet réduit par une lésion cérébrale à une vie végétative n’a pas perdu la vie, il a perdu, du moins en grande partie, l’animation. Celle-ci, pas plus que la vie ne participe du surnaturel, un terme dont on peut se demander, d’ailleurs, s’il recouvre une quelconque réalité.

La grande fraternité qui unit entre eux les êtres vivants ne vient pas en premier lieu de ce qu’ils ont en commun le don de la vie, mais de ce qu’ils partagent le don de l’animation que l’on désigne comme « âme » chez l’être humain, un terme que l’on peut généraliser, non par identité, mais par analogie à l’ensemble des vivants, y compris les végétaux que des recherches récentes sur la physiologie des arbres ont permis d’inclure dans la catégorie des êtres animés  en tant qu’ils présentent une forme élémentaire d’intentionnalité.
La vie serait alors l’ensemble des processus assurant à l’existence sa continuité alors que l’animation ouvre l’accès à l’être, c’est-à-dire à la connaissance, fût-elle inconsciente, d’une appartenance à la totalité, au Tout, perçu, non comme une collection d’objets, fussent-ils vivants, mais comme le fait inexplicable qu’il y a de l’existence plutôt que rien, selon l’expression de Leibniz.
A la question de Leibniz, qui n’est pas une question intellectuelle, Paul Diel donne une réponse simple, et qui n’est pas une réponse intellectuelle, mais émotive : question sans réponse mais qui se pose nécessairement. Toute question sur le pourquoi, l’origine ou les fins dernières de l’existence spatio-temporelle se heurte à cette non-réponse. La réponse de Bouddha est plus radicale encore : au  questionnement  sur les causes premières et les fins dernières, il répond par le silence.
L’existence n’est pas l’effet d’une cause. La causalité est une donnée interne à l’existence, comment pourrait-elle lui être extérieure, ce dont rend compte la formulation spinoziste : « cause de soi », définition, non pas réaliste, mais qui souligne l’impossibilité d’une explicitation rationnelle des causes premières.
A la différence de l’intellect, analytique et réflexif, et de l’esprit, synthétique et intuitif, l’âme est essentiellement émotive et cette émotion est constitutive de notre être-au-monde en tant qu’elle ne laisse jamais totalement s’abolir, même, submergée par le quotidien, la conscience que notre ego, insignifiant s’il est  conçu  comme un objet parmi les objets du monde, gagne tout son sens et toute sa signifiance s’il se perçoit comme « moi », participant, en tant que membre de la Nature, à l’inexplicable aventure de l’être.
Sans cet étonnement, sans la gratitude pour le simple fait d’exister, ne serait-ce qu’au niveau subliminal, notre existence risque de n’être plus qu’un parcours prosaïque en quête de divertissement.
La pure joie d’exister que l’on  peut aussi nommer sentiment religieux ou sens du sacré est l’horizon vers lequel tend notre vie intérieure.
Cet étonnement, cet émerveillement, sont à l’origine du sentiment religieux, mais aussi  de la création artistique qui est l’expression concrète, visible, lisible et audible de l’émotion face au spectacle du monde. En ce sens, l’art assume, certes, la fonction de nous divertir, mais avant tout celle de nous initier à la vision poétique, celle pour qui l’existence ne va pas de soi, qui nous la révèle comme un don gratuit, étonnant, « sans pourquoi ».
 L’émotion devant l’existence, la dimension du sacré, tel est l’horizon qui donne sens et direction à la vie mais ne saurait occuper consciemment et constamment notre intériorité habituellement et nécessairement habitée par les soucis, les projets et l’attention à notre environnement. Mais elle est là, notre âme, comme le veilleur qui parfois s’endort, et c’est alors que la tristesse de la vie risque de nous submerger, mais son réveil, toujours possible ravivera les couleurs d’une existence envahie par la grisaille et l’obscurité. A ce réveil, l’humour, attribut de l’âme bien plus que de l’esprit peut contribuer en venant, pour ainsi dire, glisser une planche sous les pieds de celui qui s’enlise. L’humour est un puissant adversaire du désespoir en ce qu’il nous fait prendre conscience de nos limites face à l’immensité de l’existence. Loin de nous écraser, cette confrontation nous invite, d’une part à nous sentir « citoyens du monde » et en même temps à relativiser le poids de notre souffrance en exorcisant par le rire la conviction obsédante que nous sommes victime d’un sort exceptionnel par son injustice et par sa cruauté.

Origine de l’âme

Oublions l’habitude ancestrale de lever les yeux vers le ciel pour y chercher l’origine et la destinée de l’âme, regardons vers la terre, telle qu’elle est, telle qu’elle fut, porteuse d’innombrables formes de vie que l’on a pu croire (et que certains croient encore) avoir été créées en six jours par une volonté transcendante. Cette prodigieuse diversité, la science l’interprète comme une longue marche accomplie par la vie jusqu’à ces miracles d’adaptation que sont, dans leur infinie variété, les organismes vivants et en particulier, celui qui nous concerne le plus intimement : le cerveau humain et le vécu qui lui correspond, ou, dans une perspective lamarckienne, l’évolution du vécu jusqu’à l’apparition de l’intériorité humaine et du cerveau qui lui correspond. Du fait que l’humanité seule a conquis le langage articulé, par quoi nous exprimons nos pensées et nos sentiments, nous avons minimisé malgré les progrès spectaculaires de l’éthologie, et surtout depuis l’avènement du monothéisme, la richesse et l’intensité du vécu animal.
Qu’une mutation radicale sépare l’humanité de l’animalité comme le règne animal du règne végétal, c’est une évidence. Et pourtant, tout aussi évidentes sont les analogies qui persistent malgré les sauts évolutifs, ainsi, l’analogie entre les organisations somatiques de tous les mammifères, y compris l’être humain. Par contre, lorsqu’il s’agit d’admettre une parenté génétique entre le psychisme humain et le psychisme animal, les réticences apparaissent, voire les résistances. Il est pourtant évident qu’à des cerveaux, non pas identiques, mais structurellement très proches, tels celui de l’anthropos et ceux des anthropoïdes doit exister également une analogie entre les vécus et les modes d’appréhension du monde. Analogie également entre le vécu des espèces animales dites supérieures et celui des espèces dont le système nerveux est moins complexe.
Alors, si tout ce qui fait l’être humain existe aussi – c’est le sens même de l’évolution – chez l’animal sous des formes moins différenciées, voire franchement élémentaires, ne faut-il pas admettre que l‘âme humaine, loin d’être la manifestation d’un favoritisme divin doit avouer sa parenté avec l’âme animale, même si elle s’en distingue radicalement par son accès à la conscience émotive de l’universel.
L’animal, pour prouver qu’il possède une âme devrait-il démontrer qu’il maîtrise le langage articulé ? Mais l’âme pour se faire connaître n’a pas besoin de la parole. L’âme ne pense pas, ne sent pas, n’agit pas, elle inspire la pensée, le sentiment et l’action dans le silence et dans la profondeur où elle garde le secret du multiple et de son lien ontologique à l’Unité du Tout.
Chez l’être humain, elle nourrit l’esprit qui, sans elle ne produirait que de froides théories, chez l’animal, elle nourrit l’instinct. Les instincts animaux, admirés d’un côté sont, d’autre part, dévalués  comme automatismes alors qu’ils sont des produits authentiques du psychisme animal tout comme la réflexion est un produit du nôtre. Ils témoignent du fait que l’animal se sent exister dans le monde car nul n’oserait prétendre, trois siècles et demi après Descartes que l’animal est une machine insensible, mais la notion persiste, malgré tout, d’un automatisme de l’instinct qui, quoi qu’on en dise contient un lointain relent de l’animal-machine. Pourtant, si l’animal sait s’orienter dans le monde, c’est qu’il possède, non la conscience, mais le savoir que le monde est son habitat et qu’il est appelé à y exister. Autrement dit, l’animal  entretient avec l’universel une relation informulée qui deviendra, au niveau humain, ouverture à la dimension du sacré.

L’âme et l’immortalité

Que l’être humain, aussi loin que l’on remonte, se soit senti habité par ce qu’il appelle une « âme » et, de plus, immortelle, voilà qui invite à prendre au sérieux ce sentiment » ou faut-il l’appeler sensation ? Evidence ? Croyance ? De toute façon, une telle persistance dans l’affirmation d’un fait improuvable mérite qu’on s’y arrête.
Certes, un grand chirurgien du XIXème siècle a déclaré qu’il n’avait jamais rencontré l’âme à la pointe de son scalpel, mais ce n’est peut-être pas là qu’il faut la chercher, ni d’ailleurs dans les textes dits révélés, mais dans l’intimement vécu de la conscience humaine.

Ayant ainsi réduit le champ d’investigation à l’immédiatement expérimentable, que peut-on dire de l’immortalité de l’âme ?
L’être humain n’a d’autre expérience que celle qui se déroule dans l’espace et le temps. S’agissant du temps, il ne connaît qu’un temps fini. Rien n’existe, dans notre expérience qui n’ait un commencement et une fin. Nous n’avons d’expérience que de la finitude, et en particulier de notre propre finitude : naissance et mort. Et pourtant, notre vie, si remplie qu’elle soit par les occupations quotidiennes, est habitée, en sous-jacence, par le questionnement métaphysique…
 Très présent chez l’enfant, il persiste chez l’adulte, le plus  souvent à l’état mi-conscient.


 La conception la plus commune de l’éternité est celle d’une prolongation infinie du  temps tel que nous l’expérimentons. Que pouvons-nous attendre de cette éternité-là sinon la perpétuation d’un ennui sans limite ?
Il y a une autre manière d’appréhender l’éternité, celle, par exemple, que propose Spinoza lorsqu’il écrit dans l’Ethique : « Nous sentons et nous éprouvons que nous sommes éternels ». C’est le témoignage d’un homme qui, au nom de tous, fait l’expérience de son immersion dans le Tout, ce Donné qui se donne sans donner d’explication sur sa raison d’être, son origine et son devenir.
Ce n’est pas ici l’éternité quantitative d’un temps réel infiniment prolongé, mais l’éternité qualitative où le temps s’abolit. Temps suspendu de la contemplation, temps suspendu de la méditation, de la création et, pour certains, de la prière. Mais si ces expériences privilégiées, souvent attestées, sont comme des pauses dans le flux temporel, c’est que ce « hors temps »  est perçu confusément, par toute conscience humaine comme sous-jacent au temps de l’expérience courante. Cette perception mi-consciente d’une « éternité » qui double le temps au lieu de le continuer dans l’infini, c’est le sentiment du sacré, c’est la source du symbole « immortalité », c’est de quoi se nourrit l’âme, c’est l’essence même de l’âme en tant que donneuse de sens. Car il n’y a sens que là où la finitude est assumée comme attribut  du connaissable à l’exclusion de toute tentative d’explorer, autrement que par l’émotion, la dimension de l’inconnaissable. En dehors de cette appréhension du réel, c’est un au-delà doué d’intentionnalité qui semble être le gardien du sens, vision spiritualiste, et non spirituelle, qui engendre, par le doute qu’elle suscite, une vision de l’existence réduite à n’être qu’un enchaînement aléatoire et indéfini de causes et d’effets, soumise au règne du non-sens.

Dans la perspective ici exposée, l’éternité n’est ni une réalité ni une irréalité, elle n’est pas un concept susceptible d’entraîner l’adhésion par croyance ni, par ambivalence. Le rejet par incroyance. Elle ne relève pas de la raison, ou, dirait Bergson, de l’intelligence, mais de l’intuition, plus proche de l’émotion que de la pensée, propriété de l’âme plutôt que de l’esprit, a fortiori de l’intellect.
L’éternité hors temps, loin d’écraser par son immensité l’étendue limitée du fini temporel, est une invite à vivre dans l’intensité et dans la joie le miracle de la finitude, domaine de l’expérience, adossée à l’infinitude, hors espace, hors temps, hors expérience sinon comme inspiratrice de la joie et  comme remède à l’angoisses d’être au monde dans la solitude et l’intensité de la finitude.
L’immortalité ou vie éternelle de l’âme  pas plus que l’éternité ne saurait  être comprise comme survie infinie d’une entité-âme puisque l’âme, précisément, n’est pas une entité indépendante du corps, mais l’éclosion, au niveau humain de la conscience de son être-au-monde. L’immortalité de l’âme apparaît donc comme la personnalisation du sentiment d’éternité dont il a été question plus haut.

L’âme sous l’aspect moral

Après avoir tenté d’éclairer la signification de l’âme immortelle, que pouvons-nous dire de l’âme sous son aspect moral, c’est-à-dire de notre capacité de discernement du bien et du mal ? Afin d’éviter d’infinies discussions et controverses sur ce sujet vieux comme l’humanité, le plus simple est de revenir à ce qui a été dit de l’âme : inexplicable origine de la vie et de son potentiel évolutif, apparition d’une conscience plus ou moins explicite, d’être-au-monde dont le reflet dans la psyché humaine est source d’émotion.
La souffrance, à laquelle n’échappe aucune existence, est génératrice d’un espoir dans l’advenir d’un monde meilleur. Cet espoir a souvent tendance à s’investir dans l’évocation d’un au-delà réparateur ou d’un paradis sur terre inscrit dans un inéluctable devenir historique, ou encore du miracle technologique d’une vie terrestre indéfiniment prolongée. L’espoir dans le futur se nourrit alors d’un désespoir sur le présent. L’espoir en l’au-delà peut apporter des consolations, l’intelligence peut transformer nos conditions matérielles, mais la croyance comme l’intelligence sont impuissantes à tarir la source existentielle du dés-espoir, de l’accusation de la vie comme souffrance et comme finitude. C’est ici que l’âme fait connaître son pouvoir guérisseur. Les yeux de l’âme, si l’on peut ainsi s’exprimer, ne voient pas le monde comme une collection hasardeuse d’êtres vivants, d’objets et d’événements, mais, serait-ce inconsciemment,  comme une totalité dont les composants sont reliés par un commun enracinement dans une inconnaissable origine. En tant qu’elle regarde, ou plutôt qu’elle contemple le monde, l’existence, la vie, ces dons sans donateur, l’âme est mue, est émue par l’amour. De quel amour s’agit-il, de l’amour universel étendu à l’humanité entière ? Tel est l’idéal grandiose proposé par le christianisme, « morale ouverte » selon Bergson et qui dépasse par son ampleur les morales « closes » qui inspirent telle ou telle société. Bergson insiste, d’autre part sur le fait que cet élan d’amour universel n’est le fait que de quelques personnalités exceptionnelles parmi lesquelles, il cite, outre Jésus-Christ, saint Paul, sainte Thérèse d’Avila et saint François d’Assise. En revanche, l’amour et l’amitié entre humains, véritables liens d’âmes, sont ouverts à tous. Ce sont des élargissements du moi vers l’autre, distincts de l’amour universel mais différant aussi d’un amour exclusif, c’est-à-dire excluant tout ce qui n’entre pas dans son champ et qui serait une source de fanatisme plutôt que le fondement d’une morale, à quoi il faut ajouter que les difficultés de l’amour ne proviennent pas seulement de l’insuffisance ou de l’excès de notre capacité d’aimer, mais aussi, et inversement, d’un doute sur soi et d’une suspicion souvent très ancrée qu’il n’est pas en notre pouvoir de susciter chez autrui le sentiment d’amour.
 
« Ama et fac quod vis », « aime et fais ce que tu veux », écrivait saint Augustin. Quel que soit le sens donné par son auteur à « ama », il nous est permis de l’interpréter comme une invite à aimer la vie, dans sa finitude.
L’amour de la vie est source de toute créativité, de tout amour des êtres, de tout courage face à l’adversité. Il ne peut générer que le bien, c’est-à-dire du bonheur, pour celui qui éprouve cet amour comme pour ceux qui le reçoivent. De là le « fais ce que tu veux », car l’amour de la vie ne peut pas errer. Là est l’origine de l’âme, ou, dit autrement, l’essence de l’animation en tant que source de la morale, arbitre du bien et du mal, agissant pour le bien.

Vue sous ses deux aspects, métaphysique (l’immortalité) et éthique (le bien et le mal), l’âme apparaît comme une amplification de la psyché qui ne peut récuser les deux interrogations fondamentales, métaphysique et morale : d’où venons-nous où allons-nous ? et : comment dois-je conduire ma vie ?

Mais l’âme ne parle d’une voix égale ni constante. On peut calmer son questionnement angoissé en lui proposant des solutions préfabriquées : une Providence qui veille sur moi, un au-delà bien réel qui m’attend. Un tel réalisme que l’on peut oser dire naïf est en vérité la version populaire d’une symbolique mythique profonde qui, bien souvent, continue à exercer son pouvoir suggestif, même chez les adversaires les plus irréductibles de l’interprétation littérale des textes.

Mais l’âme, si elle s’émerveille du seul fait d’être au monde connaît aussi l’angoisse face à la finitude, le découragement devant les difficultés et les injustices et parfois le désespoir lorsque les obstacles à la satisfaction paraissent insurmontables. Ainsi peut-on dire, non pas, comme Schopenhauer, que la vie oscille entre souffrance et ennui, mais plutôt, en suivant Diel, qu’elle oscille entre angoisse et joie.

 Un faux problème immémorial : l’union de l’âme et du corps.

Ne peuvent s’unir que des éléments réellement ou potentiellement séparés. Or l’âme et le corps sont, on devrait dire : « est » une seule réalité. Plus justes seraient les formulations : corps animé et âme incarnée.
« Béni soit le corps par où passe le ressenti », écrit François Cheng. Sans le ressenti corporel, la dimension du sacré, qui est le propre de l’âme, ne peut faire entendre sa teneur émotive, et s’il ne perçoit, serait-ce confusément, la dimension du sacré, le corps n’est plus que le siège d’un enchaînement de sensations déconnectées. En fait, la problématique de l’union de l‘âme et du corps nous est léguée par une ancienne théologie, issue elle-même d’une interprétation littérale des Écritures et, parallèlement, du platonisme. Il appartient aux historiens d’expliciter comment le pouvoir spirituel, en s’assurant le gouvernement des âmes, a pu étendre son pouvoir au contrôle des comportements. Qu’il suffise de rappeler ici que très tôt dans l’histoire du christianisme s’opère un clivage entre le Ciel et la Terre, le premier patrie de l’âme, la seconde du corps, d’où la propension de l’âme à s’égarer dans des recherches désincarnée, d’où sa méfiance envers le corps, suspect d’abriter toutes les tentations charnelles, suspect d’être à jamais marqué par le péché originel, et par l’impureté de sa mise au monde : « Inter faeces et urinam  nascimur », phrase jadis attribuée à Saint Augustin et actuellement à Bernard de Clairvaux. Faut-il voir ici une révolte contre la bassesse, pour ne pas dire l’ignominie de notre venue au monde, ou un avertissement : souviens-toi que tu es né entre les excréments et l’urine, et puisse ce rappel t’éviter l’illusion d‘avoir surgi, comme Athéna tout armé de la tête de Zeus. En réalité, chrétiens ou non, croyants ou non, nous devrions remercier, sinon dieu, du moins la Nature d’avoir assuré notre survie en facilitant l’excrétion des éléments inassimilables, et d’avoir, par un comble d’ingéniosité, assuré notre reproduction par un dispositif anatomique permettant à la fois, sous un volume restreint, l’excrétion, la fécondation la gestation et la mise au monde !

Conclusion

Pour conclure, interrogeons-nous sur ce terme « insurmontable ». L’histoire entière de l’humanité est faite d’obstacles apparemment insurmontables et finalement surmontés. Toute la civilisation, de la découverte du feu à la fission de l’atome, toute la culture, de l’invention de l’écriture à celle de la philosophie témoignent, certes, de l’ingéniosité de l’intellect et de la force de l’esprit, mais aussi, et tout autant de la force de l’âme qui est foi, amour, espoir, confiance en un destin que les humains, depuis toujours, ont imaginé issu d’une volonté surnaturelle.
L’âme ne veut que le bien, le bonheur pour le plus grand nombre. Si ses créations, ou plutôt les créations qu’elle anime, sont détournées vers le mercantilisme ou vers la destruction, c’est l’autre face de l’humain, sa face perverse qui est en cause, ou simplement son penchant à la facilité et à la passivité. Et pourtant, l’humanité n’aurait pas évolué, peut-être pas survécu si l’élan vital, à l’œuvre dès l’origine n’avait trouvé ce support : l’âme devenue personnelle porteuse d’une espérance consciemment assumée.

Cyrille CAHEN


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