REVUE DE PSYCHOLOGIE DE LA MOTIVATION
(1986-2008)
UN PATRIMOINE EDITORIAL
POUR UN NOUVEL HUMANISME

Le titre un peu austère de la Revue de Psychologie de la Motivation a pu donner à penser que son champ éditorial la cantonnait dans une case quelque peu universitaire des sciences humaines. Il n’en est rien. Elle a été créée en 1986, dans le prolongement de la pensée de Paul Diel (1893-1972) qui, après Freud et d’autres théoriciens célèbres, propose une approche de la conscience humaine dans toute la complexité de son fonctionnement. Approche fondée de façon méthodique sur l’introspection, alors fort décriée en psychologie et sciences humaines, et avec la volonté de contribuer à l’avènement d’un « nouvel humanisme ».

Un humanisme qui, faisant l’inventaire de l’héritage occidental, travaille à en réévaluer les fondements et les expressions (personnelle, sociétale, politi­que, éthique, économique) ; et réarticuler les formes très désaccordées du dé­veloppement individuel et du développement collectif ; ce qui se redouble par une autre dualité : développement « intérieur » et développement « extérieur » (celui-là même qui a fait la grandeur mais aussi la faiblesse de l’Homo sapiens occidental).

Une discipline que Paul Diel appelait la psychique – par contraste avec la physique – s’est constituée tout au long du vingtième siècle avec l’avènement de la psychologie des profondeurs. Elle est en voie de pouvoir s’affirmer comme un champ essentiel de la connaissance humaine, intégrable dans la formation sociale et scolaire, et cela dès l’école maternelle. Ses mo­dalités de transmission concrètes, largement diversifiées et expérimentées ail­leurs, mais négligées en France, facilitent l’appropriation des connaissances et la tâche des enseignants. La connaissance de soi et les compétences rela­tionnelles ne sont inscrites ni dans la formation de base des élèves ni dans celle des futurs professeurs. En ces temps de brûlante interrogation sur le mal-être de l’école et sur l’échec scolaire, pourvoyeur central de conduites dé­viantes, il y a là une voie royale dans laquelle il faudrait résolument avancer.

Comment relier vie personnelle et vie collective, esprit démocratique et ins­titutions démocratiques, fraternité humaine et réalisme politique : motivations et actions ? Cette question est le fil d’or qui lie l’ensemble des numéros de la revue. Elle nous amène à penser que « c’est pour l’avoir ignorée ou sous estimée que l’histoire a produit et produit encore les dérives tragiques que l’on sait ».

Ce dernier numéro en fait preuve : la revue, tout en fructifiant l’apport de la Psychologie de la Motivation, et particulièrement réceptive à l’Approche Complexe d’Edgar Morin, a su déployer des liens avec les autres courants des sciences humaines et sociales et établir un réseau d’échanges et d’accordage avec des collectifs qui frayent dans la même direction Celle de donner sens et réalité au « sentiment d’humanité », qu’une politique aveuglée par « l’économisme » tend à dévoyer.

L’arrêt de la revue, après 21 ans de parution, ne devrait pas signifier sa fin définitive, mais une étape où de nouvelles forces créatrices pourront prendre le relais.

Reste que ce patient travail a fini par constituer un Patrimoine éditorial qui mérite qu’on s’y arrête et s’y ressource, pour y puiser sens et réconfort pour la pensée et l’action.

                                                                                                                                        Bruno MATTEI *

* Professeur honoraire de philosophie à l’IUFM de Lille, auteur de La fraternité, est-ce possible ? Audibert, 2003. Ce texte est la reprise, actualisée, d’un article paru dans « Cultures en Mouvement », en mai 2002.
La RPM souligne la fécondité de ses rencontres avec des mouvements d’idées et de propositions comme Transversales-science/culture (Jacques Robin), l’Association pour la Pensée Complexe (Edgar Morin), la Fondation pour le progrès de l’homme (Pierre Calame), le Centre international Pierre Mendès-France (Michel Rocard et Patrick Viveret), le CIRET (Basarab Nicolescu), et d’autres mouvements qui se sont formés dans ces sillages : Collegium International, scientifique, éthique et politique, Dialogues en Humanité, Interactions TP-TS, RECIT… Ou encore, les Réseaux d’Echanges réciproques des Savoirs, la Coordination française pour la Décennie pour la Culture de Paix (ONU)… Sans oublier son inscription militante dans le champ de la psychothérapie.

 

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