ËTRE PSYCHOTHERAPEUTE
(2006)
UNE PROFESSION MECONNUE

La profession de psychothérapeute existe depuis des décennies. Elle s'est elle-même donnée en France comme en Europe des règles de fonctionnement rigoureuses. Ce livre témoigne de la réalité d'un "métier méconnu" : de ses finalités, de ses pratiques et de leur évolution. Il en montre les enjeux vitaux, tant individuels que culturels et sociaux. Il répond également à des questions essentielles telles que "Quelle aide peut apporter une psychothérapie ?", "Qu'est-ce que la santé psychique ?", "Comment prévenir et traiter la psychopathologie sociale ?". En arrière-plan se trouve affirmée la nécessité de ne pas réduire la psychothérapie à la psychopathologie. Dissipant la méconnaissance dont elle pâtit, cet ouvrage nous éclaire sur les acquis essentiels d'une profession dont la place et le rôle social ne cessent de s'étendre en France comme dans tous les pays démocratiques. Il est destiné à tous ceux et celles qui, au-delà du tapage médiatique, veulent comprendre le sens véritable de ce beau métier.

  Cet ouvrage a une histoire et une finalité. L’histoire est - depuis l’« Amendement Accoyer » - celle de la tentative de réglementation du titre de psychothérapeute. Cela a démarré dans une totale méconnaissance d’une profession qui existe bel et bien depuis des décennies et qui s’est elle-même donnée - en France comme en Europe[1] - des règles de formation et de fonctionnement d’une grande rigueur, comme en témoignent les documents publiés dans cet ouvrage[2]. C’est à partir de ces faits, et en s’appuyant pleinement sur les instances professionnelles responsables, que les législateurs serviraient au mieux le but qu’ils veulent atteindre, à juste titre : protéger les usagers, en empêchant le premier venu d’user et d’abuser du titre de psychothérapeute. Sinon la loi votée le 9 août 2004 et le décret d’application en préparation risquent d’aboutir au résultat contraire[

 Plus précisément, cet ouvrage tire son origine de la très vive réaction suscitée chez les professionnels par la confusion établie par le législateur entre psychopathologie et psychothérapie. La première constitue, certes, une partie de la formation nécessaire à l’exercice de la psychothérapie, mais celle-ci ne saurait, loin de là, s’y réduire. Une partie des textes ici présentés sont issus du colloque national organisé par la Fédération française de psychothérapie (FFdP) le 21 avril 2005, sur « la place de la psychopathologie dans la psychothérapie »[4]. L’éditeur, qui en a compris toute l’importance, a souhaité qu’en prolongement des actes du colloque, l’ouvrage témoigne plus amplement de la réalité d’une profession, de ses finalités et de ses pratiques, ainsi que de ses enjeux, tant individuels que culturels et sociaux. Non réservé à des spécialistes, cet ouvrage apporte des éclairages sur les acquis essentiels et l’évolution d’une profession dont la place et le rôle social ne cessent de s’étendre, d’année en année, en France comme dans tous les pays démocratiques.

Précisons qu’au cours de leur formation, les psychothérapeutes auront appris à discerner les formes de psychopathologie qui appellent les soins du psychiatre. Assez souvent d’ailleurs, il s’établit, dans le respect de leurs compétences spécifiques, une coopération au mieux de l’intérêt du sujet souffrant. Acquérir une formation universitaire de psychologue ou de médecin ne fournit pas une compétence dans le domaine de la psychothérapie même si de telles formations sont assurément utiles. Avoir appris des techniques d’entretien, être aguerri à l’observation de malades mentaux dans un service psychiatrique ou encore connaître la nosographie psychopathologique sont des atouts certains mais insuffisants pour l’exercice de cette profession qui requiert d’autres acquis et d’autres aptitudes. L’expérience personnelle d’une démarche psychothérapique et la formation aux modalités relationnelles spécifiques à cet exercice professionnel sont des éléments indispensables.

C’est pourquoi de telles formations sont aujourd’hui le plus souvent dispensées hors de l’université, et cela dans presque tous les pays. Le professionnel doit préalablement s’être confronté lui-même au processus pour prétendre avec quelque sérieux le proposer à d’autres. Pour devenir un praticien, il lui faut avoir durablement consulté un psychanalyste, un psychothérapeute, ou plusieurs. Cette démarche personnelle est un passage obligé pour prendre conscience de son propre fonctionnement psychique et interactif, et pour pouvoir gérer le transfert et le contre-transfert. Précisons que si cette psychothérapie s’est effectuée selon une approche unique, le praticien aura tendance à transformer sa propre expérience en modèle et à reproduire la technique expérimentée sans grande possibilité de distance critique ou d’aménagement. Ce risque est réduit quand la trajectoire psychothérapique a permis la fréquentation de deux ou plusieurs approches.

Quoi qu’il en soit, une démarche psychothérapique personnelle s’est donc imposée comme un élément essentiel de la formation et se trouve généralement exigée pendant toute la durée de celle-ci. Cette psychothérapie personnelle est la base de la compréhension réelle du processus de changement et ne peut être remplacée par un abord extérieur sous forme de lectures, de cours théoriques ou de stages d’observation. Bien entendu, lectures, cours théoriques, stages sont néanmoins nécessaires. Tout comme il faut une formation à la psychopathologie, à l’anthropologie, à la psychologie sociale, etc. Après s’être formé conceptuellement, et pratiquement, à au moins une manière de penser et d’exercer ce métier complexe et tellement impliquant, il sera demandé au thérapeute d’être en supervision et de se conformer à un code déontologique élaboré par la profession. C’est le minimum requis pour diminuer le risque que des « professionnels » peu formés et épris de pouvoir n’exercent, hors de tout contrôle, leur emprise sur des personnes fragiles que leur souffrance expose à la manipulation. Les écoles formant à titre privé des psychothérapeutes le font sur un double mode, expérientiel et didactique. Les étudiants y sont moins jeunes qu’à l’université car ce sont en grande majorité des personnes déjà inscrites dans le monde professionnel (personnels de santé, travailleurs sociaux, psychologues, etc.) et engagées dans une démarche de reconversion ou de formation continue. Une certaine maturité et richesse d’expérience sont en effet nécessaires ainsi qu’une sensibilité déjà acquise dans le domaine de la relation d’aide.

C’est là une donnée capitale que la loi se doit de reconnaître. Pendant leur formation, qui s’étend sur quatre à six ans et qui associe étroitement thérapie personnelle, enseignement didactique et démarches expérientielles, les candidats au métier de psychothérapeute sont mis en situation concrète d’apprentissage. La validation se fera selon des critères établis au niveau national et européen et dépendra non seulement des compétences acquises et certifiées, de la motivation à s’engager dans ce métier passionnant et lourd de responsabilités, mais aussi de l’aval donné par les pairs. La valeur du travail psychothérapique réside dans sa capacité à aider le sujet à libérer ses potentialités de l’emprise des forces plus ou moins inconscientes qui les entravent. À permettre le développement de relations plus lucides et fécondes avec soi-même et autrui, dans une dynamique où le sentiment d’autonomie et le lien social se renforcent réciproquement.

Ces enjeux de l’aventure psychothérapique sont importants autant pour les individus concernés que pour la société dans laquelle ses pratiques s’inscrivent. Les connaissances qu’elle apporte et les différentes formes d’aide qu’elle inspire ont une portée éducative et préventive — et économique — dont on est loin d’avoir pris la mesure.