ENTRETIEN AVEC EDGAR MORIN
Première Partie d'un entretien réalisé au début d'octobre 1989 et paru dans le N° 9 de la Revue (1990).
REARMER  ET  REHABILITER  L'INTROSPECTION
 

La nécessité d'une auto-analyse, qui engloberait mais dépasserait     l’investigation  psychanalytique, s'impose pour chacun et pour tous, y compris les hautes autorités, intellectuelles et universitaires, qui devraient les premières se soucier d'un tel auto-examen.                                                      

Edgar Morin

 
 Du computo au cogito

Armen Tarpinian : Tout comme Diel dont l'œuvre entière a comme fondement l'auto-connaissance et qui s'est battu sans relâche contre le préjugé anti-introspectif qui sévissait au plus fort il y a 40 ou 50 ans, votre propre recherche accorde à l'auto-critique introspective une place essentielle. Il n'est pas excessif de dire que peu d'auteurs, encore aujourd'hui, s'y risquent comme vous le faites, osant braver le préjugé pseudo-objectiviste des sciences humaines qui ont cru qu'elles n'atteindraient la scientificité qu'en adoptant la méthode d'observation des sciences dites dures. Elles ont, écrivez-vous, cédé à l'illusion de pouvoir « éliminer l'homme de la science pour constituer une science de l'homme »... Vous avez aussi souligné le paradoxe qui veut que ce soit en partie des sciences dures, de la physique, surtout, que soit venue la réhabilitation de l'observateur dans son rapport avec l'observé. Je relève cette déclaration de vous: « Dans tout ce que j'ai écrit, il y a l'idée que moi observateur et concepteur, je me dois de m'observer et de me concevoir dans mon observation et dans ma conception ». La pensée complexe, c'est-à-dire l'effort de saisir la réalité dans toute sa complexité, est le nouveau paradigme que vous proposez à l'esprit des scientifiques de toutes disciplines. C'est elle qui permet de prendre garde à toute forme de réductionnisme; organicisme ou psychologisme, matérialisme ou spiritualisme, etc. Elle est, par sa nature, l'antidote de tout dogmatisme, à condition, comme vous le dites aussi, de ne pas se dogmatiser elle-même...

Votre approche de la complexité vous a conduit à donner à la subjectivité toute la place qui lui revient dans la réalité et à faire du sujet computant, c'est-à-dire du sujet dont le besoin de connaissance est une propriété essentielle, un aspect non récusable de la réalité à observer. Pourriez-vous rappeler l’extension que vous donnez à la notion de sujet ?

Edgar Morin : J’ai donné une définition bio-logique du sujet. Le concept-clé de sujet ne se réduit pas à un fait de conscience. Comme je l'ai écrit dans Connaissance de la Connaissance, ce concept de sujet est radicalement différent de celui des philosophes de « l'Ego transcendantal » ou de la « Conscience fondatrice ». Il relève de l'organisation biologique qui est une organisation computante, c'est-à-dire qui traite des données ou des symboles, qui a donc une dimension cognitive. Celle-ci est nécessaire pour s'alimenter, pour transformer les nourritures en molécules assimilables par l'organisme, pour se reproduire, etc. Cette computation s'effectue à la première personne, du point de vue, en fait, de l'être vivant qui se met au centre de son monde pour traiter le monde. Il y a là une dimension d'auto-référence. Mais cette auto-référence nécessite aussi l'exo-référence, la capacité d'objectiver ce qu'il traite y compris ses propres constituants. Car si la bactérie ne pouvait pas traiter objectivement les molécules dont elle est constituée, elle ne pourrait pas exister.

La notion de sujet, c'est se mettre au centre de son monde en un site que nul autre ne peut occuper, pas même le frère jumeau. Les bactéries sont pratiquement toutes jumelles, mais nous-mêmes quand nous avons un jumeau homozygote, identique à nous-mêmes, il ne peut pas dire Je pour moi. Il y a donc un principe d'exclusion, mais nécessairement aussi un principe d'inclusion : c'est-à-dire que nous pouvons inclure dans notre objectivité le prochain, nos enfants, les gens de notre famille, nos compatriotes, nos coreligionnaires, etc. C'est une définition-clé du sujet, elle est beaucoup plus logique, si vous voulez, que psychologique. Au cours de l'évolution, les êtres complexes dotés d'un cerveau, comme les mammifères, ont développé un deuxième type de subjectivité : celle qui a trait à leurs comportements, à leurs attitudes à l'égard d'autrui et à l'égard du monde, et qui n'est pas seulement référence à l'organisme lui-même. Par exemple, notre organisme a une subjectivité propre au système immunologique, c'est-à-dire qu'il reconnaît les molécules qui relèvent de soi, de notre identité moléculaire, et rejette les autres. Mais nous n'en sommes absolument pas conscients... Par contre, notre subjectivité consciente c'est notre esprit qui sans cesse nous met au centre de notre monde. C'est cette qualité qui nous rend capables de nous traiter nous-mêmes, c'est-à-dire de nous considérer comme objet tout en étant sujet.

Je dis dans La Vie de la Vie ainsi que dans La Connaissance de la Connaissance que toute opération biologique, mentale, suppose un JE qui est capable de s'objectiver en un Moi ou en un Soi capable donc de se différencier en un objet, mais tout également capable de se ré-identifier à cet objet. Autrement dit, je suis moi est une formule-clé qui commande toutes les computations : c'est la capacité de s'objectiver. Notre esprit conscient tend vers cette objectivité réflexive. Il y a là un troisième type de subjectivité propre à 1'être humain. Nous sommes capables de réfléchir sur nous-mêmes, pas seulement capables de réfléchir et de méditer sur des idées, ce qui est déjà une capacité de la conscience, mais de nous réfléchir nous-mêmes au miroir de notre esprit. Il s'agit d'un mode de fonctionnement qui est exposé à beaucoup de risques, d'erreurs...

Cela devient d'autant plus un problème-clé que nous savons qu'il n'y a pas d'objet en soi. Nous ne connaissons jamais les choses en soi, mais par rapport à nous, à travers les structures de notre esprit, et bien sûr de notre cerveau, à travers nos sens qui nous permettent de capter certains messages extérieurs, même s'ils sont aveugles à d'autres types de messages, électromagnétiques ou autres. Autrement dit, ce que fait notre esprit dans tout acte de connaissance, c'est un travail de reconstruction et de traduction. Le monde tel que nous le connaissons est toujours retravaillé par notre esprit. D'où il vient qu'il est très important de savoir si notre esprit ne trahit pas les données qu'il traite, et si notre connaissance est objective bien qu'étant subjective, c'est-à-dire produit par le sujet que nous sommes. Donc nous avons toujours besoin de réfléchir sur les risques de notre subjectivité, grâce à notre subjectivité même! Le Mal et le Remède sont le même dans cette histoire-là!

Je crois, par conséquent, à cette nécessité fondamentale de l'auto-connaissance qui est liée à toute recherche de la vérité. De plus, il y a cette chose qu'avait vu avec profondeur Montaigne, grand introspecteur s'il en fut, c'est que la plongée dans la singularité d'un moi trouve, à un certain moment, l'universalité des autres. Montaigne ne disait-il pas que « dans chaque homme se trouve l'humaine condition », ceci non pas en gommant la singularité mais au contraire en l'acceptant et en l'assumant. Là aussi ce n'est pas seulement la connaissance de soi mais la connaissance d'autrui qui passe par l'introspection. Il faut lier l'introspection à ce qu'on peut appeler la compréhension. Max Weber nous a proposé très justement la distinction entre explication et compréhension. Je dirai qu'expliquer c’est avancer dans la connais­sance en traitant les objets de connaissance comme des objets. Et que comprendre c'est avancer dans la connaissance en utilisant les forces de sympathie, de projection ou d'identification à l'égard d'autrui, afin d'essayer de le comprendre de l'intérieur comme sujet. Tous ces processus de compréhension sont des processus subjectifs que l'introspection peut rendre évidents. Celle-ci peut nous aider à constater combien nous sommes capables de nous mettre à la place d'autrui.

A.T. : Diel parlait « d'introspection projective » c'est-à-dire d'un fonctionnement en grande partie extra-conscient, opérant naturellement, sans qu'on en soit forcément et clairement conscient. E.M. : Bien sûr la compréhension fonctionne automatiquement. Il s'agit d'un processus cognitif incontestable. En fait il nous faut sans cesse mélanger explication et compréhension, tandis que l'approche « objectiviste », par souci pseudo-scientifique, élimine la compréhension.

A.T. : Votre définition du sujet et de la subjectivité donne également à l'introspection toute sa dimension biologique. La psychologie de la motivation montre le pont qui va du réflexe à la réflexion, vous le pont qui va du computo au cogito.

E.M. : En effet l'introspection a des racines dans ce que j'appelle le fonctionnement computant – propre à toute forme de vie – et particulièrement dans la computation. Mais au niveau du troisième type de subjectivité, proprement humaine, se place le phénomène central du langage. Celui-ci est ce qui me permet d'objectiver mes sentiments, mes sensations, mes pensées ; l'utilisation du langage va favoriser le dialogue intérieur. Étant donné que l'introspection finalement n'est pas seulement le regard de soi à soi mais aussi un dialogue de soi à soi, l'inner speech, le monologue-dialogue intérieur. En réalité, l'introspection c'est la mise en œuvre, je dirai presque le plein emploi, de cette dualité intérieure que nous avons potentiellement en nous.

Alors c'est un univers tout à fait passionnant puisque nous devons lutter contre l'illusion de croire que l'on est naturellement transparent à soi-même. Ce qui n'est pas le cas, non seulement parce qu'on a une part d'inconscient, et naturellement l'inconscient n'est pas transparent à la conscience, mais aussi parce que notre vie psychique est comme compartimentée, et que ces compartiments ne communiquent pas forcément les uns avec les autres. Par exemple, une partie de mon être, dans la vie privée, domestique, se voue aux miens, aux problèmes du foyer, etc. Une autre partie de moi-même peut-être occupée par les problèmes de la cité, de la culture, etc.

Dans les sociétés théocratiques c'étaient les dieux, les mythes qui occupaient tout ce champ social. Dans certaines situations, en certaines parties de son être, le sujet peut être littéralement possédé. Il suffit de penser au kamikaze. Il n'a nul besoin d'un ordre de l'Empereur. Celui-ci est tellement intériorisé dans le kamikaze, qu'il peut, sans avoir reçu aucun ordre, se donner la mort pour la gloire de l'Empereur et de l'Empire. Nous avons des parts de nous-mêmes littéralement possédés sans que nous ne le sachions. Nous ressemblons en partie à celui qui a subi une séance d'hypnotisme. Il suffit que l'hypnotiseur lui dicte d'effacer le message, l'ordre suggéré, pour que s'efface en lui le souvenir d'avoir été hypnotisé. Il sera sincèrement convaincu d'agir de son propre chef ; il a gommé que quelque chose a pu se passer en arrière de son moi conscient, il oublie qu'il subit un programme étranger.

C'est ainsi que nous sommes souvent, sans le savoir, possédés par le super-égo, par le pouvoir, par des idées présentes en nous et capables de nous faire faire des choses que nous croyons relever de notre libre volonté mais qui s'imposent comme s'il s'agissait d'ordres venant des dieux. C’est dans ce sens que nous sommes compartimentés. Il y a beaucoup de compartiments de notre être dont nous n'avons pas la clé. Je pense, par ailleurs, que le propre de l'introspection n'est pas seulement de refaire le chemin de Montaigne que chacun peut et devrait refaire, mais également d'utiliser des données de connaissance devenant instruments de conscience, comme par exemple la connaissance de la self deception, c'est-à-dire cet art que nous avons de nous tromper nous-mêmes. Cet art de nous tromper nous vient de ce besoin que nous éprouvons de nous auto-justifier sans cesse. Pour ce faire, nous nous masquons certaines choses et nous mettons en relief certaines autres. Dans une scène de ménage, on remarque toujours les insultes proférées par l'autre, on oublie ce que l'on a dit soi-même ; on croit que l'on n'a fait que répondre à l'attaque d'autrui ! Chacun se sent et se croit auto-justifié. A ce moment, s'il « s'examine », il se dit même « j'ai tout à fait raison, c'est l'autre qui a tort ». Autrement dit, il est victime du mensonge à l'égard de lui-même... Comment peut-il reconnaître ce mensonge à l'égard de lui-même ? Il faudrait qu'il en prenne conscience ou alors qu'il y ait des gens de l'extérieur en qui il ait assez confiance pour pouvoir l'inciter à devenir plus lucide.

Pour devenir lucides sur nous-mêmes, nous avons souvent besoin d'autrui ou d'événements qui nous démentent. Ainsi nous avons souvent besoin de témoins. Il arrive par exemple que ma mémoire me trompe, que je sois persuadé que telle chose a eu lieu à tel ou tel endroit. Mille erreurs surgissent, il n'est pas sûr que l'autre qui me contredit ait raison ; il est toujours nécessaire, surtout au point de vue factuel, de faire les vérifications, car ce n'est pas seulement la perception mais aussi la mémoire qui est une reconstruction. J'insisterai sur le fait que tout auto-examen, toute auto-analyse s'enrichit de la confrontation avec autrui. Celle-ci peut nous aider à développer nos propres capacités, nos propres forces réflexives. En ce sens nous pouvons dire que l'auto-examen est auto-exo-examen. La pensée dogmatisante s'oppose à la fois à l'examen par autrui et à l'auto-examen. Nous avons un ennemi polymorphe qui est nous-mêmes.

L'introspection est le combat principal que nous menons contre nous-mêmes et avec nous-mêmes, pour nous-mêmes et autrui. Nous n'avons aucune certitude de déjouer tous les pièges de la self deception. Presque tout est à double fond. Nietzsche disait « qui se méprise soi-même s'admire du moins comme contempteur ». On sait que les actes masochistes sont sous-tendus d'orgueil. Dans Autocritique, j'ai écrit que la sincérité, comme la flamme, ne peut être pure qu'à un moment particulier de combustion, entre les gaz qui la nourrissent et la fumée qui s'en dégage. La sincérité n'est pas une chose pure. Elle a besoin de certaines conditions impures pour naître et elle a des sous-produits qui ne relèvent plus directement d'elle-même. Pour arriver à des moments d'auto-connaissance, il faut peut-être avoir une part de ce qu'il faut appeler exhibitionnisme ou histrionisme – ça a été le cas en partie de Jean-Jacques Rousseau et même, vu de l'extérieur, cela peut paraître le cas de Montaigne. N'écrivait-il pas aussi ses essais pour être publié ? Je le dis dans mes livres, la composante introspective fait ou doit faire partie de tout savoir. Il n'est pas de connaissance sans que le connaissant essaie de se connaître. L'auto-connaissance est nécessaire à la connaissance.

Voyez, l'histoire de la psychanalyse est intéressante. La psychanalyse se présente comme une hétéro-connaissance – dont le dépositaire est évidemment le psychanalyste – mais que l'analysant doit s'approprier, grâce à la relation psychothérapique, le tout accompagné de phénomènes qui restent mystérieux, semi-magiques, n'est-ce pas ? Or, s'il est vrai que beaucoup de problèmes et de drames ont besoin pour être résolus d'un témoin, d'un gourou, d'un thérapeute, de quelqu'un qui soit extérieur à nous – on ne peut pas se sauver tout seul – je crois toutefois qu'on peut engrammer soi-même cer­tains messages, pas seulement de la psychanalyse freudienne, dans le travail d'auto-connaissance. Ce qu'a fait Freud lui-même dans sa propre recherche.

Ré-armer l'introspection

A.T. : Utiliser des données de connaissance pour en faire des instruments de conscience, avez-vous dit. Est-ce cela que vous entendez quand vous dites qu'il faut ré-armer l'introspection ?

E.M. : Dans le courant objectiviste des sciences humaines, l'introspection était considérée comme une activité artisanale qui n'avait pas sa place en science. Ce point de vue s'inscrivait dans le système d'objectivation qui occultait le sujet et le considérait ainsi incapable d'auto-connaissance. Il faut réhabiliter l'introspection tout simplement parce qu'il est absolument nécessaire d'être psychologue. Aucune connaissance ne saurait s'affranchir totalement de l'auto-connaissance, encore moins la psychologie dont l'auto-connaissance est l'objet ! Un certain nombre d'éléments peuvent entrer dans notre conscience qui peuvent mieux armer notre esprit envers les pièges d'auto-i1lusion dans lesquels il peut si facilement tomber.

1) Il y a la mémoire dont j'ai parlé et dont on connaît mieux aujourd'hui les ruses ou les faiblesses. Par exemple Rousseau pouvait dire, en toute candeur, nul n'est plus sincère que moi... Il le croyait d'autant plus qu'il ne savait pas que le processus sélectif de modification de la mémoire agissait dans son esprit. La mémoire s'altère, elle se recompose, elle se modifie. C'est très difficile de travailler sur sa mémoire. Il faut faire appel à des notes, à autrui.

2) Nous devons faire jouer, pour nous aider dans notre effort d'auto-objectivation, les connaissances acquises au sujet du témoignage. Nous savons à quel point le témoignage de nos sens est trompeur. Il y a l'étude déjà ancienne mais très instructive portant sur des témoignages de survivants de la Première Guerre mondiale ayant vécu les mêmes événements et qui en faisaient des récits tout à fait différents voire contradictoires.

3) Il y a l'émergence du concept déjà évoqué de self deception qui établit qu'on passe son temps à se fabriquer des illusions sur soi.

4) Nous partons toujours de l'idée d'une personnalité une. Mais je crois, non seulement à la complexité du moi, mais à sa multi-personnalité. On a plusieurs personnalités. Il y a comme un saut quantique de l'une à l'autre suivant les moments, suivant les personnes. Donc si on veut se trouver un secret unique, il y aura erreur...

5) Il y a l'expérience de la littérature elle-même, son effet heuristique. Par exemple, il est intéressant de savoir qu'au moment où Faulkner usait longuement dans ses romans du monologue intérieur, les psychologues mettaient l'accent de leur côté sur l'inner speech .

6) L'introspection moderne doit utiliser toutes les formes de cri­tique portant sur l'activité de l'esprit. Qu'il s'agisse de la critique des idéologies, des critiques du savoir, de ce que j'appelle moi la noologie. J'entends par ce terme la connaissance de la façon dont fonctionnent les systèmes d'idées. Les choses de l'esprit qui nous possèdent. Il y a une navette incessante et enrichissante à opérer entre le monde de l'introspection qui est un phénomène personnel, solitaire, et le monde extérieur avec les ressources diverses d'explication et de compréhension de nous-mêmes qu'il nous offre. Navette qui doit se faire aussi, bien sûr, avec les acquis culturels des différents courants ou écoles de psychanalyse qui nous ouvrent, selon des approches complémen­taires, à l'auto-connaissance – à condition que leurs savoirs ne soient pas rigidifiés, dogmatisés.

7) Il nous faut connaître les processus psychologiques qui nous entraînent à être dogmatiques et à comprendre comment se forment et durent les dogmatismes. Ré-armer l'introspection c'est utiliser tous ces acquis, parmi d'autres, pour la rendre apte à déjouer certaines Sources d'erreur. En réalité, je pense que l’introspection devrait être une activité normale, habituelle et non pas rarissime, pour chacun de nous. Elle devrait être pratiquée dans toute entreprise qui implique une respon­sabilité.

Le devoir d'auto-examen devrait s'imposer à toute personne qui a une responsabilité, au plan privé comme au plan de la cité, et tout particulièrement par toute personne qui a une responsabilité au plan des idées. Mais tout en étant armée autant que possible comme je l’ai indiqué, il faut que l'introspection reste naturelle. Chacun posant à soi-même sa propre énigme et réfléchissant à ses propres expé­riences. Expériences qui nous reviennent sans cesse transformées au cours de la vie. Je vois beaucoup d'événements de ma vie qui se retraduisent d'une autre façon, sous un autre angle avec le temps. Des détails m'apparaissent brusquement avoir une importance considérable et inversement des choses qui m'apparaissaient avoir une importance considérable ne m'apparaissent plus que comme des détails.

Je dirais que l'introspection est la tâche interminable, inachevable, comme tout ce qui est humain.