Retours sur la soirée du 16 avril 2015.
"Le fanatisme en question"

Retour sur la soirée du jeudi 16 avril 2015.

Les attentats terroristes à Paris en janvier 2015 qui faisaient écho à ceux de New York, Toulouse ou Bruxelles et annonçaient ceux de Copenhague, Tunis et Garissa pour ne citer que ceux-là, nous ont amenés, après l’émotion et la terreur, à consacrer un temps de réflexion au thème du fanatisme en postulant que l’œuvre de Diel pouvait permettre de comprendre le phénomène et éventuellement de proposer un apaisement à partir de l’analyse des motivations et de la délibération intime.


Jacques Fleuret distingue différents types de fanatiques, selon la typologie diélienne : les fanatiques « nerveux » sont mus par une tâche exaltée qui les conduit à la barbarie, _ comme Goebbels par exemple_ alors que Goering serait plutôt un «  banalisé titanesque », habité par des désirs de domination ainsi qu’un « banalisé dionysiaque », si l’on considère ses orgies sexuelles. Khadafi, notre contemporain, a lui aussi incarné la banalisation titanesque et dionysiaque à son plus haut degré. On lira à ce propos, avec effarement, le livre d’ Annick Cojean, Les proies dans le harem de Kadhafi. Jacques Fleuret s’intéresse ensuite au fanatisme des gens ordinaires , des bons pères de famille qui, par soumission et entraînement, s’engageront dans des actions faisant fi de tout respect de la vie humaine.


L’expérience de Milgram a montré que quiconque, en se soumettant à une autorité, peut être amené à infliger des violences extrêmes à autrui.
Mais la seule « obéissance » suffit-elle à expliquer cela ?
Il y faut une croyance exaltée, plus ou moins consciente : c’est ce que confirment des études récentes, en accord avec l’approche diélienne de la question.


Un problème d’identité, un trou béant à l’intérieur de soi et on s’inscrit dans un groupe, on adhère à une cause pseudo-sublime qui justifiera tous les comportements extrêmes, également motivés par un désir de sécurité, l’instinct grégaire, l’angoisse d’opinion, la lâcheté. Il y a plusieurs degrés de fanatisme.


Tel est l’aspect individuel du problème. N’oublions pas qu’en regardant en soi-même, on trouvera toujours les germes du mal, prêts à se développer.


Et au niveau de notre société, n’avons-nous pas aussi dans des tentations fanatisantes, lorsque nous absolutisons les plus belles valeurs qui nous guident : la démocratie, la liberté, la science par exemple ?
Dogmatiser ce que nous croyons savoir, c’est oublier que la vérité est relative et c’est ouvrir la porte au fanatisme.


Ce travail d’élucidation est salvateur, aussi bien pour les individus et les sociétés, sinon continuera l’escalade des provocations qui alimentent les guerres de religion comme il en est ainsi depuis des siècles.
Christian Merle prend la parole à son tour et construit son exposé sur un questionnement en proposant de distinguer en soi-même, par l’introspection, les termes suivants : engouement, engagement, conviction, certitude, foi, passion, idôlatrie, illumination et fanatisme.


Dans un second temps il propose à chacun de se poser la question suivante : « Y a-t-il en moi quelque chose d’irréductible ? » . Enfin il propose à l’assistance de porter notre attention sur le bouillonnement d’affects qui nous habite.


Christian Merle distingue trois modalités de la conscience,_ selon la définition proposée par Robert Misrahi dans son dernier livre La liberté ou le pouvoir de créer ( Edition Autrement 2015)_, qui est créative, constructive et antérieure dans le sens où elle est imprégnée d’une culture. L’imaginaire qui nous structure et construit nos modes de délibération est irréductible et la remise en cause de cette structuration de notre inconscient, dans un processus de mondialisation qui est le nôtre actuellement, peut expliquer l’angoisse et la violence du fanatisme.

Le fanatisme peut être alors compris comme le rejet de structures anthropologiques incompréhensibles. Ainsi pour le monde musulman, l’occident représente un choc culturel et vice versa.



Le problème du religieux est le dogmatisme qui chosifie le mystère et conduit au fanatisme ; or, la compréhension du mystère, le profond saisissement émotif devant l’insondable profondeur de la vie, coupe court à toute spéculation métaphysique. L’émotion devant le mystère peut se transformer, pour celui qui l’a ressentie, en évidence. Cette émotion spiritualisante, ressentie comme telle par tous les hommes, est une promesse d’évolution, comme le monothéisme a succédé au polythéisme.


La croyance est bien pour Christian Merle comme pour Jacques Fleuret le ferment du fanatisme, la source de l’angoisse face à d’autres croyances.


Isabelle Canouï pour conclure donne l’étymologie du terme : il s’agit du mot latin « fanum » qui signifie l’espace consacré à la divinité, le temple.

La sagesse du langage est étonnante : le surconscient sait que le lit du fanatisme est bel et bien la croyance religieuse et la compréhension du symbolisme proposée par Diel pourrait bien être la solution aux guerres de religions. Si « Dieu » est symbole Allah et Yahvé le sont aussi et mon Dieu n’attend pas que je te massacre pour la raison que tu n’as pas le même.


L’exposé s’achève sur la lecture de passages des Actes des Apôtres qui disent de façon très émouvante l ‘itinéraire exceptionnel de Saul de Tarse qui surmonte son propre fanatisme à l’égard des premiers chrétiens pour se consacrer à l’évangile, à la voie nouvelle proposée par le Christ, symboliquement fils de Dieu.

>> Vous pouvez réécouter l'enregistrement de la soirée sur les liens suivants :
PARTIE - 1 -
PARTIE - 2 -
PARTIE - 3 -
 

L’itinéraire de Saul de Tarse, du fanatisme au chemin de Damas

Les Actes des apôtres, XXII. Traduction de l’Ecole biblique de Jérusalem.

Discours de Paul aux Juifs de Jérusalem

« Je suis Juif. Né à tarse en Cilicie, j’ai cependant été élevé ici dans cette ville, et c’est aux pieds de Gamaliel, que j’ai été formé à l’exacte observance de la Loi de nos pères, et j’étais rempli du zèle de Dieu, comme vous l’êtes tous aujourd’hui. J’ai persécuté à mort cette Voie_ celle du Christ_, chargeant de chaînes et jetant en prison hommes et femmes, comme le grand prêtre m’en est témoin, ainsi que tout le collège des anciens. J’avais même reçu d’eux des lettres pour les frères de Damas, et m’y rendais en vue d’amener ceux de là-bas enchaînés à Jérusalem pour y être châtiés.

Je faisais route et j’approchais de Damas quand tout à coup, vers midi, une grande lumière venue du ciel m’enveloppa de son éclat. »