4ème Rencontre de l'APM le 30 mai 2013
La psychothérapie de la motivation aujourd'hui.

Odile Leclerc, psychologue, psycho-praticienne de la Motivation, nous propose de revenir sur les idées développées pendant cette soirée à travers son regard et son expérience.


La proposition de Paul Diel est tout d’abord une proposition optimiste, qui annonce d’emblée que la vie a un sens, et que l’homme est complètement intégré à ce sens; la psychothérapie est une occasion, un lieu privilégié pour lui de trouver ce(s) sens, d’apporter des réponses, individuelles et/ou universelles à ses questions existentielles; le coté de cette visée positive de cette école m’ a attirée et permis de construire ma pratique professionnelle et personnelle.

Je reprendrai le plan de Pierre Canoui:
1-La sphère intime
Une grande découverte, et pivot de la psychothérapie diélienne, est l’analyse du fonctionnement mental (à partir des désirs); une place particulièrement importante y est faite à l’imagination, et notamment à l’imagination exaltée, c’est à dire une imagination plus ou moins déconnectée des conditions de réalisation des désirs. Cette imagination, sans limites, avec des scénarios imaginaires tant sur soi-même, que sur les autres, ou sur le monde extérieur est, à mon avis, la source de bien des maux. La personne est enfermée dans un cercle infernal destructeur de son psychisme et de sa vie réelle. Sans toujours nous rendre compte du temps passé, et de l’énergie dépensée à cette spirale infernale de ruminations en tous genres sur une reconstruction du  passé qui nous culpabilise et/ou du futur qui nous angoisse; et pendant tous ces mouvements imaginatifs, la personne ne peut être disponible à son présent.
Le travail psychothérapique propose dans un premier temps d’en prendre conscience. La méthode étant de reprendre contact avec le réel des situations et de nous mêmes, en développant aussi le sens de l’observation; une méthode de méditation (comme celle proposée par Christophe André dans «Méditer jour après jour» peut beaucoup aider à calmer et réduire ces emballements intérieurs qui nous déconnectent du réel. Puis un travail d’analyse, plus intellectuel des désirs présents dans ces scénarios, dont une part vient de notre personnalité profonde, est à développer, dans le discernement des conditions de réalisation des ces désirs.

Ce qui m’ a également frappée dans les conférences de Paul Diel (enregistrées, car je ne l’ai pas connu de son vivant), c’était son émotivité qui se traduisait par un grand enthousiasme. Beaucoup d’émotion passait dans sa voix, dans son timbre et sa façon de parler; c’était quelqu’un de passionné et d’engagé. Mais bien que (et peut être à cause) ces émotions étaient très présentes, ils s’en méfiait, en les taxant souvent de sentimentalité ou d’agressivité, et ce n’était pas pour lui une matière première à travailler directement avec le patient, sauf sous forme de symptôme (Je relirai cette méfiance ou cette fragilité d’être débordé par ses émotions, car il en avait vécu sans doute de fortes reliées à la précarité de sa vie passée). Je crois, pour ma part, que les émotions sont des voies royales pour entrer dans le monde intérieur de chacun de nous, comme le sont les symptômes ou les rêves. Et je me suis tournée vers des organismes de formation qui accueillaient et travaillaient sur ces émotions comme «Personnalité et Relation Humaine» (ayant fort à faire avec mes propres émotions). C’est d’autant plus intéressant que les émotions sont des messages directs et authentiques de notre monde intérieur; en effet, on ne peut pas créer une émotion, ni en nous ni chez l’autre (on ne peut que la réveiller); on ne décide pas d’être gai ou triste, ou en colère, ou craintif, on ne peut que le constater, l’accueillir. Et ces émotions sont dépositaires de ce que je vis actuellement ou de ce que j’ai enregistré de mon histoire passée. Elles peuvent être disproportionnées par rapport à une situation actuelle, mais proportionnées dans ce qu’elles réveillent du passé.

La culpabilité, dont Diel a fait une analyse très approfondie est pour moi là encore, un message à entendre de notre personnalité profonde; c’est un signal qui éveillerait en quelque sorte notre conscience. Elle ouvre toute une réflexion à notre capacité de discernement, de choix, qui met en jeu notre système de valeurs. Ce système de valeurs est en partie un héritage  familial, social ou sociétal, mais doit également être choisi et mis au conscient, à l’âge adulte.
La description du fonctionnement psychique diélien fait appel à la loi d’ambivallence; pour ma part, et  dans un but thérapeutique, je me réfère d’avantage à une dimension de multiples pôles dans le cas d’analyses mentales, en sortant d’un système binaire. Il me semble que la réalité du monde intérieur et extérieur est davantage multiple, et mettre le client dans cette dimension multiple est plus réaliste et aidant dans son cheminement, plutôt que de provoquer en lui une sorte d’écartèlement entre 2 pôles.

2-La sphère privée
Elle concerne la sphère de nos relations avec les autres. Lorsque l’on a des difficultés psychologiques, des troubles relationnels sont très souvent associés. Diel parlait d’intrication affective qui se noue entre les personnes, avec des attentes non formulées, des déceptions, des frustrations , des qui pro quo. Mais cela s’enracine dans les premières relations qui ont été les nôtres; il est donc utile, de revenir aux racines de l’entourage de notre enfance, où se sont formatées nos premiers positionnements, domination et/ou soumission, et où se sont  emmagasinées des souffrances qui ressortent dans des situations similaires. Des schémas répétitifs s’instaurent. Afin de rompre et sortir de cette répétition,il est nécessaire de revenir aux premiers traumatismes et d’entendre enfin cette souffrance qui n’a pu être dite et qui ne demande qu’à l’être.
La thérapie permet de relire toutes ces relations parentales, fraternelles, sentimentales... de s’y arrêter, d’y revenir non seulement dans son contenu idéique, mais aussi affectif, passer de la compréhension intellectuelle au partage empathique de ce qu’a vécu le petit enfant devenu adulte. Ce petit enfant a à être accueilli, entendu, consolé, vu dans toutes ses dimensions, s’il ne l’a pas été à l’époque. L’émotion pourra alors se réguler, tranquillisée si j’ose dire d’avoir été entendue, car tel est son but ultime. Cela me fait penser à un enfant au bac à sable qui assaille sa mère de ses pleurs tant qu’elle n’a pas regardé et consolé sa blessure; puis il repart jouer, tranquillisé d’avoir un lieu de consolation, alors que sa plaie lui fait toujours aussi mal.
Ce moment de cicatrisation des blessures psychologiques va permettre aux personnes de reprendre le cours de leur développement qui avait pu être modifié, ralenti, «contorsionné»; on pourra entreprendre ensemble une meilleure connaissance de ses talents, et de l’exploitation de ceux ci. Je suis très étonnée du peu de connaissance d’eux même qu’ont mes clients(un effort dans notre système éducatif semble être en route). Les choix de l’adulte ne seront plus en fonction des traumatismes du passé, en restant victime (demander à l’entourage de combler nos besoins d’enfant) ou en donnant de manière excessive à notre entourage ce que nous aurions aimé recevoir; mais ayant guéri nos traumatismes, nous pourrons donner aux autres en fonction de leurs besoins et non plus des nôtres.
L’adulte pourra mieux se positionner en place de parent, et laisser les enfants vivre selon leurs besoins; les problèmes des personnes se solutionnent dans leur génération.

Une relation thérapeutique est l’occasion d’une rencontre,de la construction d’un nouveau lien où le client et le thérapeute ont chacun leur place. Le cadre y est l’orientation, les choix et les outils thérapeutiques (le thérapeute peut se demander pourquoi il est thérapeute). C’est une relation qui transforme, dans le sens de la maïeutique, de faire advenir les personnes à ce qu’elles sont dans leur personnalité profonde. Le thérapeute est animé par un esprit curieux, engagé, heureux, émerveillé de cette capacité humaine de déploiement, de rebondissement, de guérison, de création...
Aller visiter des zones inexplorées, ou laissées dans l’ombre, ouvre des horizons infini de créativité au client (La 1ère fois que j’ai fait un stage qui s’appelait «Qui suis je?», j’ai eu la sensation pendant 7 jours d’explorer le fond des océans dans un scaphandre).
Nous arrivons à des limites humaines mieux acceptées, des talents mieux exploités, une plus grande satisfaction dans les choix, des relations plus ajustées, une joie et une paix intérieure.
La vie est un chemin. Dans l’humain, tout est en mouvement tout le temps, rien n’est statique, ni définitif, et savoir où l’on se situe aujourd’hui et dans quelle direction l’on va, semble permettre d’en être plus heureux. On devient alors plus un sujet agissant qu’un objet subissant. Je terminerai par une phrase d’André Rochais, éducateur spécialisé, fondateur de «P.R.H.». Devenir soi, rien que soi, mais tout soi».

Cette 4ème Rencontre était animée par Pierre Canouï et Odile Leclerc, avec la participation de Christian Merle.